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Algérie : 50 ans de vacances au bled

           Chaque année, la famille Zourane pose pour une traditionnelle photo de groupe sur les hauteurs de Skikda (Algérie). Ici Senna et ses trois filles en 2009. Chez les soeurs Zourane, les vacances au bled sont longtemps parties de Bergerac. Dans cette Dordogne viticole, province sage où leur père, maçon, avait atterri en 1962, il y a exactement cinquante ans, chaque mois d'août, on chargeait la Renault 18 break jusqu'au toit. Leur mère avait bourré pendant plusieurs mois des cabas qu'elle entassait un peu partout dans la maison en prévenant : "Ça, c'est pour l'Algérie !" Dedans, il y avait du parfum, des savonnettes, du café... Un tas de petits cadeaux pour améliorer l'ordinaire de la famille. Les paquets étaient ensuite calés sous les jambes des passagers. On fermait la portière. Puis la voiture s'ébranlait, parée pour 600 kilomètres de route jusqu'au port de Marseille. Dalila, Lynda et Malika le racontent aujourd'hui, à 30 ans passés, entre un éclat de rire et deux bouffées de nostalgie. Elles peuvent fredonner par coeur, hilares, Tonton du bled, une chanson du groupe de rap 113 sortie en 1999. "504 break chargé, allez, montez les neveux, Juste un instant que je mette sur le toit la grosse malle bleue, (...) Direction l'port, deux jours le pied sur l'plancher, Jusqu'à Marseille avec la voiture un peu penchée..." Le titre est devenu culte chez les enfants de la "deuxième génération".

LA GRANDE MIGRATION ESTIVALE
            En 1994, les Zourane ont déménagé à Saint-Laurent-du-Var, dans les Alpes-Maritimes. La campagne périgourdine n'offrait plus assez de travail dans le bâtiment pour le père. La famille a troqué son pavillon contre un F5 de cité HLM. Mais la grande migration estivale n'en a jamais souffert. Alors que l'Algérie a fêté, le 5 juillet, le cinquantenaire de son indépendance, les souvenirs de vacances des trois soeurs écrivent en creux l'histoire du pays autant que l'itinéraire de bien des familles de la diaspora. Brunes coquettes, tailles de guêpe, elles peuvent parler des heures de ces congés au bled dont elles ne pourraient se passer. Dans l'appartement familial, au dernier étage d'un immeuble du quartier sensible du Point-du-Jour, Dalila raconte que, régulièrement, ses collègues lui demandent où elle part en vacances. Comme toujours, elle répond : "En Algérie." Et à chaque fois, la même exclamation fuse : "Encore !" "Avant ça m'énervait, mais maintenant je ne réponds plus", dit-elle. Elle se fait une joie, avec ses soeurs, de ressortir les vieux albums de photos. A voir : le portfolio "les doux étés des sœurs Zourane" Au pied de l'appartement de leurs parents, la voie rapide longe bruyamment l'ensemble de barres délabrées. Les époux Zourane sont maintenant parmi les plus anciens locataires. Ils ont agrémenté leur palier de plantes vertes et d'un petit portail en bois. Depuis le balcon, on devine la mer, l'horizon, et l'Algérie cachée derrière. Pour se représenter à quoi avait ressemblé le tout premier retour des Zourane en Algérie, il a fallu faire appel aux souvenirs de la mère, Senna, 56 ans. Car dans les albums photo, nulle trace de cet été 1978. Retraitée de son métier de cantinière, elle passe désormais avec son mari trois mois par an dans la maison qu'ils ont patiemment construite, au fil des ans, en Algérie. Au téléphone, Senna Zourane n'est pourtant pas très à l'aise pour décrire ses sentiments intimes. Elle se souvient seulement que "Dalila marchait à peine" et qu'elle portait "Malek, le second, dans un panier". Elle avait 21 ans et était arrivée en France trois ans auparavant. La toute jeune femme partait alors présenter ses enfants à la famille. C'était aussi le premier retour au pays de Lakdar, son mari, moustachu taciturne, depuis qu'il avait quitté l'Algérie à l'âge de 15 ans. Les premiers souvenirs en images de Dalila, Lynda et Malika sont eux liés à l'interminable traversée en bateau qui a marqué des générations d'Algériens. Pas de date sur les photos aux couleurs désuètes des années 1980. Mais celles qui sont aujourd'hui des jeunes femmes indépendantes et bien installées - respectivement DRH dans une société de restauration aérienne, aide-soignante et employée municipale - y apparaissent, sur le pont, en petites filles surexcitées. "Pour nous, c'était là le vrai départ des vacances." Les trente heures de traversée entre Marseille et Alger, c'était le début de la liberté. Il fallait, certes, supporter la nuit assis sur des fauteuils, à bord de navires vieillissants, où il arrivait qu'un lavabo "se décroche du mur des toilettes", comme le raconte Malika. Mais les concerts de raï meublaient les heures d'insomnie. Les prémices des flirts aussi : "Entre jeunes, on se regroupait par région et on demandait : "Tu vas où, toi ?"" sourit Dalila. Elles, c'était Skikda. Une jolie ville côtière de l'est, à 230 km de la frontière tunisienne. La traversée en bateau est aussi le théâtre secret de leur transformation en petites "immigrées modèles". Une heure avant l'arrivée à Alger, leur mère insistait pour qu'elles se changent et peignent leurs tignasses emmêlées. Elle les aidait ensuite à enfiler vêtements neufs et chaussures cirées. Ainsi, pensait-elle, les bienfaits de l'émigration auraient plus de crédit auprès de la famille qui les attendait à l'entrée du port.

"LES COUSINES DE FRANCE"
              A Skikda, si quelqu'un les cherchait en ville, il demandait où se trouvaient les "immigrées de Nice". La famille, très fière, les présentait : "Ce sont nos cousines de France." Les trois soeurs se souviennent d'avoir été plus d'une fois emmenées sous un prétexte quelconque sur le balcon, afin que le voisinage puisse constater leur présence. "J'avais l'impression d'être un beau vélo", plaisante Dalila. Elles se rappellent aussi cette curiosité suscitée par le fait qu'elles vivaient en France. "Souvent, on nous promettait : "Si tu dis un mot en arabe, je t'achète une glace" ", raconte Lynda. Venait enfin la question fatidique : "Tu préfères quoi : la France ou l'Algérie ?" Comme les soeurs Zourane répondaient sincèrement "l'Algérie", elles s'entendaient dire : "Mais pourquoi, c'est plein de trous ici !" La fratrie, qui s'agrandit en 1987 d'un petit Samir, aujourd'hui dépanneur dans la climatisation, doit effectivement apprendre à s'adapter aux écarts de confort entre leur maison française et leur logement algérien. Malika évoque les coupures d'eau et les baignoires qu'on bouche, robinet ouvert, au cas où l'eau reviendrait. "Parfois c'était en plein milieu de la nuit. Tout le monde criait : "Ça arrive !"" A cette époque aussi, l'Algérie subit des pénuries de denrées alimentaires. Lynda se rappelle qu'elles étaient envoyées, avec leurs cousines, faire la queue à l'épicerie. "On demandait : "Qu'est-ce qu'on attend ?" Les cousines répondaient : "Le pain"." "Pendant deux mois, on devait oublier toutes nos habitudes alimentaires", renchérit Dalila. Seules exceptions : le Nutella et le chocolat Nesquik, apportés de Nice pour améliorer le petit déjeuner. Alors que chez certains ces anecdotes ont signé un rejet durable des charmes des séjours au bled, que les toilettes à la turque ont laissé des souvenirs de constipation interminable, les soeurs Zourane, elles, ne se rappellent que les jours de plage et les soirées de musique orientale. Une image résume, à leurs yeux, ces années de douceur : celle où elles posent avec leurs tantes et leurs cousines, en maillot de bain deux pièces dans la mer : "Les gens vivaient libres, à l'époque", pointe Dalila. L'arrivée du terrorisme islamiste va tout changer.
AU CŒUR DU "TRIANGLE DE LA MORT"
                 La famille Guennaz, un père maçon, sept enfants, habite aussi la région niçoise. Les vacances au bled ont toujours été un rituel aussi important que chez les Zourane. Mais la décennie de violence qui va ravager l'Algérie à partir de 1991 a marqué leurs séjours estivaux. Les Guennaz sont originaires de deux bourgs modestes au sud d'Alger : Guerrouaou, à un quart d'heure de Blida, du côté du père, et Ouled Chebel, à 30 km de Sétif, du côté de la mère. Mais alors que Skikda a été relativement épargnée par la guerre civile, les Guennaz, eux, vont se retrouver au coeur du "triangle de la mort", entre Blida, Medea et Aïn-Defla. Ils acceptent de se réunir un dimanche pour en parler, autour d'un couscous-merguez chez l'aîné de la fratrie, Youcef, 39 ans. Depuis six ans, ce barbu athlétique a pu devenir propriétaire d'une maison dans un village de l'arrière-pays niçois où il est le seul Maghrébin. Patron d'une société de gardiennage, il est heureux de s'être extirpé du quartier difficile des Moulins, à Nice, où ses parents vivent encore avec ses plus jeunes frères et soeurs. La famille a atterri malgré elle en 1993 dans ce quartier de grands ensembles qui n'a pas profité des coups de peinture de la rénovation urbaine. Les Guennaz se serraient alors à sept dans un F4 de Cimiez, une zone résidentielle de Nice. En cherchant un appartement plus grand, ils n'ont jamais trouvé mieux que les Moulins : "Là-bas, on loue aux Arabes", leur disaient les agences immobilières.

LES ANNÉES NOIRES
                Goucem, la mère, en djellaba rouge, est arrivée en France voilà quarante ans. C'est elle qui a apporté les albums de photos. A ses côtés se tiennent Yacine, son troisième fils, 35 ans, vendeur dans la grande distribution, Amina, 30 ans, enceinte de sept mois et titulaire d'un master en gestion des administrations. Et Redouane, le petit dernier, coffreur dans le BTP. Mais ces années noires qui ont secoué la famille, comme d'autres immigrés originaires de la région, se racontent plus qu'elles ne se montrent. Pour Youcef, cette période correspond à un grand trou noir : il a dû renoncer pendant six ans à ses étés de détente au pays. A la différence de ses frères et soeurs, il est né en Algérie. C'est dans les bras de sa mère qu'il est arrivé en France, à l'âge de 6 mois. Or, en 1991, quand débutent les affrontements entre le gouvernement et les islamistes, il vient de fêter ses 18 ans. Il est donc considéré par l'Algérie comme un appelé potentiel. "Pour les immigrés, je savais que c'était très dur, raconte-t-il. Ils étaient envoyés dans le Sud, où il fait très chaud." Il réussira finalement à se faire exempter. L'humeur joyeuse des vacances se refroidit aussi après le détournement, en 1994, d'un avion d'Air France par un commando du Groupe islamique armé (GIA). "Dès l'aéroport, il y avait des militaires partout, on était mis dans un terminal séparé, avec l'impression d'être des terroristes en puissance", raconte la famille. A cette époque, avec la démocratisation du transport aérien, les Guennaz ont commencé à préférer l'avion. Le bateau n'est plus emprunté que par les parents qui conduisent seuls la voiture, surtout remplie de mobilier pour équiper la maison. Tandis que bon nombre d'immigrés en France vont limiter leurs vacances durant cette période, les époux Guennaz, eux, vont continuer leurs allers et retours saisonniers avec leurs jeunes enfants. Leurs proches tentent de les en dissuader. Mais Goucem Guennaz a toujours tenu à son mois de soleil algérien. Il lui arrive encore d'avoir le mal du pays et d'en pleurer : "Quand je venais d'arriver en France, je regardais depuis le balcon les avions décoller et j'imaginais qu'ils allaient en Algérie."
TRENTE-SIX ANS POUR UN PALAIS
                 Les Guennaz sont aussi motivés par le souci d'avancer les travaux de la maison achetée lors de leur premier retour à Ouled Chebel, en 1976. C'est le grand projet du père, Yacoub. En janvier, il a fêté ses 65 ans et pris sa retraite, largement consacrée à superviser les dernières finitions. A force, la demeure est presque devenue un palais : 600 mètres carrés avec une terrasse, un grand patio, un long jardin, et un immense garage. Une maison à laquelle Yacoub Guennaz aura consacré plus de trente-six ans de vacances. Ces étés au bled des années 1990 sont marqués par la mort de plusieurs membres de la famille. Goucem Guennaz se souviendra toute sa vie de ce premier jour de vacances, où elle venait de débarquer à Alger avec enfants et bagages, quand on l'a informée du décès d'un neveu dont elle était proche. A la sortie de son travail, le jeune homme a été fauché par une bombe qui visait un camion militaire. A cette époque, dans son appartement de Nice, Goucem Guennaz suit aussi avec avidité les informations algériennes. Cette fois, le drame la surprend alors qu'elle est en train de regarder le journal télévisé. Elle reconnaît le visage de deux cousines parmi les victimes égorgées lors d'une tuerie. "Elle s'est alors précipitée à la cabine téléphonique pour appeler la famille qui lui a confirmé la nouvelle", raconte Youcef. Sa mère a encore du mal à parler de cet épisode qui l'a tant meurtrie. En Algérie, Goucem Guennaz va finir par interdire à ses enfants de parler fort le français lorsqu'ils sont dans la rue. Elle connaît la rancoeur que suscite l'ancien colonisateur. A l'été 1997, cette consigne va toutefois provoquer une angoisse dont elle se souvient encore. Ce jour-là, elle est à la plage avec ses bambins, lorsque soudain, Faïza, la jumelle de Redouane, manque à l'appel. La fillette est alors âgée de 7 ans. "Pendant plusieurs heures, j'ai retourné tout le sable", raconte sa mère de façon imagée, avec sa voix timide. Elle la retrouvera au commissariat : "Elle n'avait pas osé dire un mot, de peur qu'on reconnaisse son accent." Les tensions sont telles alors, en Algérie, qu'une nouvelle vague d'immigrés va débarquer en France. La plupart appartiennent aux classes aisées. Ce sont des avocats, des universitaires, des médecins. Mais pour eux, les voyages en Algérie sont plus fréquents, les séjours plus courts : une semaine ou quinze jours, juste le temps de rendre visite aux proches. Pour les vacances d'été, ils peuvent aller aussi bien en Italie que sur la côte normande.
CÉLÉBRER LES ÉTAPES DE LA VIE
                    Chez les Guennaz et les Zourane, issus de milieux plus populaires, c'est l'été, au bled, que sont célébrées toutes les étapes de la vie : circoncisions, fiançailles, mariages... C'est aussi à Ouled Chebel, le 19 août 1989, la veille de rentrer en France, que Goucem Guennaz a accouché de Mohamed. En 2002, c'est là qu'a été enterré Antar, le deuxième fils de la famille, décédé d'un cancer. C'est toujours à Ouled Chebel qu'Amina s'est mariée en 2010. Les soeurs Zourane, elles, se rappellent avec amusement toutes les demandes en mariage que leur père a repoussées, presque chaque été. Régulièrement, un amoureux transi venait frapper à la porte et Lakdar Zourane disait : "C'est pourquoi ?" - "Pour demander la main de votre fille", Le père rétorquait non sans malice : "Laquelle ?" Et le jeune homme contrit tentait : "Celle qui a mon âge..." L'élection, en 1999, du président Abdelaziz Bouteflika va une nouvelle fois changer la couleur des vacances. Peu importe que son arrivée au pouvoir soit contestée : chez les soeurs Zourane, on lui sait gré de l'apaisement obtenu avec les islamistes. Elles mesurent cette détente au retour dans les programmes de télévision des spectacles de musique et de danse. Leur mère retire les pantalons qu'elle s'astreignait à porter pour avoir les jambes couvertes. Et quand d'autres enlèvent leur voile, les filles Zourane remettent leurs jupes courtes. "On voyait l'évolution d'une année sur l'autre", constate Malika. En Algérie, en même temps, les paraboles fleurissent sur les balcons. L'accès aux chaînes françaises se généralise. "Nos cousines se sont mises à nous parler avec l'accent de Marseille", rigolent les trois soeurs. Le regard que l'on porte sur elles s'en trouve modifié. Les petites tricheries vestimentaires du bateau deviennent soudain désuètes : "Les cousins savaient tout de suite si on était habillées à la mode ou pas." C'est aussi à cette époque qu'elles commencent à entendre : "De toute façon, en France, vous êtes tous des Rmistes..."
PLUS DE LIBERTÉ
                  Chez les Guennaz, les souvenirs de ce début des années 2000 fluctuent selon l'âge des enfants. Amina, visage rond, les cheveux soigneusement cachés sous un voile noir, se rappelle que, pour elle, alors en fin d'adolescence, les vacances en Algérie ont longtemps signifié plus de liberté qu'à la cité. Aux Moulins, Youcef la tient à l'oeil. Pendant que leur père s'abrutit de travail, lui, le grand frère, est chargé de veiller sur la fratrie. "En vacances, au contraire, comme les maisons étaient les unes à côté des autres, je pouvais sortir avec mes cousines." Redouane se souvient à l'inverse d'interminables après-midi dans la maison d'Ouled Chebel au milieu des vieilles tantes. "Moi, je devais rester avec les femmes", maugrée-t-il du haut de ses 22 ans. "Je ne pouvais pas ramener ma Game Boy parce qu'il n'y avait nulle part où acheter des piles", ajoute-t-il. Avec dérision, il dit avoir été sauvé par l'arrivée de la PlayStation, que l'on pouvait brancher sur une prise électrique. Les années 2000 marquent, en effet, une amélioration de l'économie algérienne, liée notamment à l'explosion du prix des hydrocarbures. L'accès au crédit est facilité. Les Algériens se ruent sur les voitures neuves. En 2010, l'un des plus grands centres commerciaux du Maghreb, avec bowling et salle de fitness, a même ouvert à Bab Ezzouar, près d'Alger. "L'Algérie devient confortable", aux yeux de Youcef. "Maintenant, on achète là-bas pour ramener ici", renchérit Amina. A Skikda, à la fin de l'été, juste avant de rentrer en France, les soeurs Zourane font ainsi le plein de bijoux et de produits de beauté bon marché. Pendant les vacances, grâce au taux de change avantageux, elles s'offrent pour 10 euros l'accès aux plages privées qui se sont multipliées, ou le coiffeur plusieurs fois par semaine après leurs bains de mer - 2 euros. Elles se payent aussi des séances de jet-ski, inabordables pour elles sur la côte varoise. Chez les Guennaz, la tradition des vacances au bled a toutefois commencé à se perdre avec l'arrivée des premiers petits-enfants, les deux filles de Youcef, âgées de 8 et 5 ans, et le fils unique de Yacine, 9 ans. "Moi, je veux qu'il voie autre chose, d'autres pays", explique ce dernier, trentenaire énergique. Avec son épouse, il est déjà parti une fois en Thaïlande et une autre à Dubaï. Goucem, la mère, est la seule à être restée, avec son mari et Amina, irrémédiablement attachée au retour aux sources annuel.
UN PETIT MENUET DE MOZART
                   En 2011, les deux jeunes pères de famille ont néanmoins confié leur progéniture à leur mère, pendant deux semaines. Dans l'album familial, ce séjour est immortalisé par une photo de la grand-mère et des bambins devant les manèges flambant neufs du centre commercial de Bab Ezzouar. Elle en est revenue enchantée, mais se chagrine de ne pas avoir davantage de petits-enfants, dont elle est si fière. Comme Inès, par exemple, l'aînée de Youcef, qui prend chaque semaine des leçons de piano, et qui a joué pour les siens, ce dimanche-là, un petit menuet de Mozart. Chez les Zourane, les années passant, le père, Lakdar, a eu envie en 2005 de revenir en famille dans le village de son enfance : à Ifri, en Kabylie. Un bled accroché à la montagne, bombardé pendant la guerre. En 1956, c'est là qu'a eu lieu le Congrès de la Soummam, un des actes fondateurs de l'indépendance algérienne. "Pour la première fois, lui qui ne parle jamais, nous a enfin montré d'où on venait", s'émeuvent les trois soeurs. Lors de ce voyage inédit, ils sont partis à deux voitures du port de Marseille. Ils avaient aussi emmené Jérémie, le meilleur ami de Samir, petit-fils de pieds-noirs.
La nostalgie, c'est ce souvenir qu'hier on a vécu Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
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